2011 – Discours d’ouverture de l’exposition, par Gilles Altieri

L’Art abstrait a constitué le mode artistique majeur du XX ème siècle et de ce fait, a exercé une sorte de dictature sur les autres courants artistiques.
Bien entendu, plusieurs artistes majeurs n’ont pas admis cette mainmise sur l’art, mais ils étaient perçus comme des phénomènes isolés dont le grand talent leur permettait d’être tolérés dans la cour des grands, un peu à titre de curiosité et en marge de l’histoire officielle.
Parmi ceux-ci Balthus, Edward Hopper et Giorgio Morandi, que l’Hôtel des Arts a eu le privilège de présenter l’été dernier, vous vous en souvenez tous. Mais toutes les dictatures ont une fin et autour des années 70 le grand cycle de l’Art moderne a fait place à une ère nouvelle caractérisée par l’acceptation inconditionnelle de toutes les initiatives artistiques.
Cette liberté reconquise, s’est manifestée sous mille formes, et notamment par l’intérêt manifesté par de jeunes artistes pour la figure humaine, le paysage et les vues urbaines. Evidemment ce retour à « la tradition » s’est opéré sur des bases nouvelles, ces artistes s’étant totalement dégagés de l’influence encore présente dans la France de l’après guerre, des impressionnistes et de leurs successeurs. Ils ont traduit dans leur peinture le spectacle de nos villes contemporaines perçues à la fois directement mais aussi à travers le filtre mémoriel des images photographiques, télévisuelles et filmiques qui ont constitué leur environnement mental depuis leur naissance.

Beaucoup d’entre eux ne dessinent pas d’après nature mais captent le sujet de leurs tableaux à l’aide leur appareil photographique. Ainsi Luc Thuymans, Philippe Cognée, Liliane Tomasko et Jérémy Liron que nous accueillons ce soir.
Jérémy Liron est né à Marseille en 1980 et passe sa jeunesse à Toulon. Il suit ses études artistiques à l’Ecole des Beaux Arts de Toulon où il obtient le DNAP, puis réussit le concours d’entrée à l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Paris où il obtient le DNSAP. Il réussit ensuite le CAPES puis l’agrégation d’Arts plastiques. Il enseigne aujourd’hui dans un Collège dans la banlieue de Lyon. On voit donc que Jérémy est un fort en thème. Seulement âgé de trente ans, il a déjà bénéficié d’une quinzaine d’expositions personnelles et de très nombreuses expositions de groupe. A Paris, il fait partie des artistes de la Galerie Isabelle Gounod.
Ajoutons que ce surdoué, par ailleurs extrêmement modeste, est doté d’une excellente plume, et exerce une activité de critique d’Art. Il a en outre publié plusieurs essais sur l’art.
Dans sa peinture, Jérémy Liron utilise avec une virtuosité extrême toutes les techniques traditionnelles et les acquis de la peinture lyrique non figurative.
Contrairement à la première impression laissée par les reproductions de ses œuvres, la confrontation directe avec ses tableaux met en évidence l’extraordinaire liberté dont il use, par l’utilisation de jus qui dégoulinent sur la toile, de strates de peintures successives qui laissent transparaître les dessous, des coups de brosse largement posés et un dessin très personnel, toutes techniques qui au bout du compte donnent à ses paysages urbains une vie intense, tout en donnant l’impression trompeuse qu’il reproduit fidèlement le sujet que l’appareil photographique a capté. Les photographies qui ont servi de point de départ aux toiles exposées, et que nous avons placées dans la vitrine du hall, permettent d’ailleurs de mesurer l’écart considérable qui sépare la photo du tableau final.
Véritable virtuose de la peinture Jérémy Liron est aussi à l’aise sur papier que sur toile. Ses petites peintures réalisées sur papier sont en effet des petits chefs-d’œuvre de spontanéité et de science picturale. On pense aux portraits de Marlène Dumas, et remontant plus loin dans le temps aux œuvres sur papier d’Egon Schiele.
Les deux grands polyptyques du 1er étage montrent aussi que l’artiste est capable d’affronter les formats les plus grands.
Les Toulonnais présents ce soir auront certainement remarqué que plusieurs peintures ont pour sujet des bâtiments ou des villas de Toulon. On m’a dit qu’il y a même parmi nous ce soir, quelqu’un qui réside dans l’immeuble figurant sur l’affiche et le catalogue de l’exposition.
La présence de Jérémy Liron à l’Hôtel des Arts dément l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays et démontre s’il en était besoin, que le Var est riche de talents.
C’est donc une grande fierté pour nous d’accueillir Jérémy Liron à l’Hôtel des Arts avec cette magnifique exposition qui obtiendra, j’en suis persuadé, un immense succès.
Je tiens enfin à remercier Isabelle Gounod pour sa présence parmi nous ce soir, et la féliciter pour sa perspicacité en ayant accueilli ce jeune et grand peintre dans sa galerie.