2012 – La carte des artistes, plus ou moins proche du territoire, par Elisabeth Chardonin Le Temps.

Evoquer le temps qui nous traverse autant que nous le traversons à travers notre relation aux lieux. Le rythme ferroviaire adopté par Cendrars dans La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France invite à un voyage où les paysages intérieurs et extérieurs se croisent. Les six artistes exposés à la Fondation Moret ont tous lu ou relu ce poème, mais leurs œuvres sont heureusement loin de l’illustration. Les curatrices, Valentine Meyer et Véronique Ribordy, réunissent ici trois artistes français et trois suisses. Une première présentation a eu lieu à l’espace parisien Immanence. Quoi de mieux qu’une exposition voyageuse pour évoquer le territoire, la trace, la mémoire…
Côté suisse, ce n’est pas sur le vif, ni même avec le support d’images que Michael Günzburger a dessiné des petits bouts de Paris, connus ou plus cachés, mais tous restés dans sa mémoire depuis sa résidence d’artiste, il y a déjà quelques années. Mingjun Luo travaille sur ses deux territoires, la Chine de sa naissance, la Suisse de sa vie actuelle, en peinture comme en dessin. Elle utilise le blanc, ses variétés opaques, avec une façon très personnelle qui évoque le deuil, l’effacement, les négatifs photographiques.
Sophie Bouvier Ausländer expose deux pelotes. Quoi de mieux depuis Pénélope pour évoquer le temps qui passe, l’absence et le voyage, mais quand en plus les fils de ces pelotes sont en fait des peintures finement découpées en longues lamelles, c’est le territoire même de l’art qui devient le sujet de l’exploration, dans une magnifique mise en abyme. La Lausannoise découpe aussi de la même manière des cartes de géographie pour créer des reliefs aux douces teintes pastel.
Côté français, Cannelle Tanc ôte des plans de ville tout ce qui est construit ne laissant que les parcs, et les réseaux de rues, de rivières… Ses dentelles géographiques cohabitent avec une autre forme de relecture de la carte, sculptant des volumes composés selon les principes de l’artiste et architecte Richard Buckminster Fuller.
Gaëlle Chotard a dessiné son Paysage en fils métalliques, léger comme une campagne à bosquets sous la brume anglaise. Elle dessine aussi à l’encre de chine des Etats d’âmes qui sont de délicats paysages où le végétal se mêle au minéral, au sanguin… Au premier abord, les toiles de Jérémy Liron semblent un peu massives dans cet ensemble. Mais leurs cadrages inattendus, à Paris comme à Martigny, et les coulures qui font vivre certains pans de peinture leur confèrent une réelle subtilité.
Paris-Martigny, parce que la carte est plus importante que le territoire,Fondation Louis Moret, Martigny, jusqu’au 1er avril.