2017 -Eloge de la vision périphérique, par Théo-Mario Coppolacatalogue Vendanges tardives Résidence Chamalot/CAC Meymac.

A côté, quand le regard se laisse aller à la contemplation d’autre chose, à la marge de l’action principale et du spectaculaire. A côté, quand une ombre projetée intensifie la matérialité d’un objet, d’un élément d’architecture. A côté, quand la pensée entre en intimité avec le réel. La peinture de Jeremy Liron procède par détours successifs. Le regard semble ricocher d’un point à un autre, libéré de l’attrait premier du réel, là où d’ordinaire l’action se trame. La quotidienneté entre en résonnance dans le rapprochement des sujets. Sensible à l’approche littéraire de Hugo von Hofmannstahl qui portait son regard sur tous les objets du monde, à commencer par les plus communs et donc les plus oubliés, Jérémy Liron explore lui-même ce vocabulaire de la marge.

Il s’attarde sur ce que le regard exclut habituellement. Qu’il s’agisse d’un parcours d’architecture, de la tête d’une sculpture, d’une barrière au coin d’une rue, d’un paysage d’été serein. L’architecture est ainsi livrée en portrait. Et, les habitants absents sont suggérés par les aménagements alentour. Un travail sur l’épuisement de la reproduction des formes aboutit à une confrontation aux caractéristiques de l’architecture et du paysage. Ce dernier suggère un rapport sentimental à la matérialité des choses. Le cadrage, parfois accidenté, augmente la perception sensible d’un instant volé. La peinture de Jéremy Liron est évocatrice d’un présent permanent, nourri pas la multiplication des images, perçues et vécues comme des instantanés. La vision périphérique s’impose comme l’indice d’une grande déambulation, à la recherche de l’absence, d’un signe caché, d’une forme surprenante. La fragmentation du réel s’accompagne d’une stylistique minimale, retenue par les lignes de fuites, les couleurs douces et lissées. Les tonalités accentuent la distanciation de l’action et peut-être du temps lui-même qui semble s’échapper, revenir d’un autre état, d’un passé révolu.

Ses peintures sont-elles finalement celle du présent permanent, de l’instant à saisir, ou au contraire doivent-elles-être considérées comme des souvenirs, des évocations plus lointaines ? La peinture ajoute à l’image le trouble du temps choisi, ce qui ouvre la lecture de l’œuvre au statut de l’image, à ses caractéristiques plastiques et à son langage esthétique. L’œuvre se confond-elle avec le document ? Une des réponses sur cette question du temps de la représentation et du rapport à l’image comme document est apportée par Aby Warburg, autre inspiration déterminante dans le travail de Jéremy Liron. L’image est primordiale. Elle s’impose avant toutes les autres actions de la représentation. Avec elle, ce n’est plus la réalité qui importe, mais le rapport au monde, c’est-à-dire la traduction des impressions humaines. L’image est une sempiternelle conjuration des peurs et des incompréhensions. La peinture de Jérémy Liron est contextualisation du réel. L’image ne reproduit pas le réel, elle en dessine les bornes, nécessaires à la projection de l’individualité. A la périphérie du monde et au centre de soi-même.