2018 – Pareil à des bruissements à venir, par Alexandre Mare pour l’exposition Fantômes à la Progress gallery.

Selon un protocole depuis longtemps établi, les peintures de Jérémy Liron sont le plus souvent encadrées, derrière un verre parfois, et peuvent évoquer, pourquoi pas, comme une fenêtre close sur un paysage.

Sur la toile, ce sont des éléments qui appartiennent généralement à une histoire de l’architecture moderne, des façades qui semblent toutes entières prendre l’étendue du ciel et de la mer. Puis il y a aussi cette lumière particulière, écrasante et sourde. De temps à autre, une végétation dense, sombre et magnétique, qui vient contrebalancer la ligne claire et les arêtes franches des bâtiments. Des perspectives, des porte-à-faux, des structures métalliques, des pins immenses, quelques gammes de bleus : il y a peu de personnages dans les peintures de Jérémy Liron. Et, lorsqu’ils font acte de présence ce sont des gisants figés dans l’architecture. Des statues arrêtées par des lignes raides.
Les œuvres de Liron, qu’il s’agisse de grands formats ou de plus modestes comme ceux réalisés pour l’exposition Fantômes, semblent évoquer quelques temporalités suspendues. Un intervalle. Et puis il y a ce silence. Un silence qui semble se dégager de ses peintures : alors, cet intervalle silencieux dévoile ce que pourrait être la tension d’une attente.
Ces architectures, ce silence apparent, cette tension donc, ce bruissement inaudibles et suspendus des arbres pourraient rappeler le court roman de l’écrivain argentin Adolpho Byos Casares, L’Invention de Morel, où un personnage déambule sur une île puis dans une villa, moderne elle aussi, et se fait le témoin, d’abord involontaire, de la vie de ses anciens habitants — à l’image des fantômes de nos actions passées. A la manière d’une hétérotopie : cette superposition de temporalités en un lieu unique. Voilà, peut-être, une des pistes pour regarder les toiles de Jérémy Liron : des lieux d’attentes, d’espoirs, de rencontres – heureuses ou funestes -, de tensions. Des lieux fantômes, emplis tout à la fois d’histoires, d’attentes – du possible en suspension.