chanson française

Il parait que c’est ce qui passait en radio dans mes premières années alors ça aurait infusé sans que je sache, les tubes de Michel Berger. Me reste aujourd’hui une sympathie, une familiarité. Et puis le paradis blanc : un lâcher prise entre deux eaux, comment sans y paraitre il défait l’horizon pour infuser un vertige. Pas nombreux non plus sans doute les chanteurs qui ont pris pour sujet la peinture, Cézanne peint, fallait la faire celle-là. C’est avec des petites discrétion comme ça qu’on déploie un peu le champ.
Je veux chanter pour ceux, Mais le désert avance, et puis Babacar et puis l’Aziza, l’époque, mais questions encore d’actualité. Quand c’est ça au depart qui te parvient, qu’est-ce que ça determine pour la suite?
Prime enfance aussi, la gueule de Balavoine, des images du désert, sa mort en hélico. Et ses façons d’attaquer sur l’accord qui disent déjà ce à quoi il s’affronte, même si c’est plus tard que je découvrirais son intervention mythique face à Mitterrand.
On est là dans l’expression d’un rapport sensible au monde qui n’oublie pas l’engagement d’une manière autre que la manifestation, la tribune ou la prise d’armes mais qui s’appelle aussi politique. Et je garde une sympathie sincère pour là où se place quelqu’un comme Cabrel, pour le retrait, le rythme lent qui le mettent hors des modes et de certaines précipitations de l’industrie du divertissement et le regard un peu mélancolique qu’il pose sur les choses, son côté chanteur du terroir avec l’accent et l’amour de ces choses humbles. Mais aussi les mots qu’il pose avec une certaine acuité sur la normalité inhumaine et qui sont aussi du fait de sa position de côté.
Des chansons sur les peintres y’a a une encore au moins, même si plus romantique, mais indépassable à sa manière, c’est la bohème d’Aznavour. On dira que c’est pas ma génération mais va savoir, quand bien même à quinze ans c’est plutôt Metalica, Nirvana et bientôt Led Zeppelin que tu te mets dans les oreilles, il y a toujours dans Aznavour quelque chose qui te concerne et vient te percuter là où tu attendais pas. Pareil parfois que de lire Baudelaire et poser par lui des images sur ton spleen, ces quelques mots là qui t’arrivent : les parois de ma vie sont lisses, je m’y accroche mais je glisse lentement vers ma destinée… En écrivant Je suis un homme oh, comme ils disent, il devenait déjà le patron. Ils y répondraient quoi ceux de l’anti-mariage-pour-tous aujourd’hui?
On avait cette possibilité là : nous arrivaient dessus les premières compil de Dance, l’omniprésence un peu brute du synthétiseur et de la boite à rythme. Même si on était plutôt rock revendiqué ça atteignait les oreilles. Et Ace of base pour danser (même si pour ma part c’était plutôt solo du côté du buffet), les immersions dans le rock progressif de Jethro Tull et Aqualung et pourquoi pas la Mer de Trenet ou le Bal perdu de Bourvil quand c’était pas Caroline de MC Solar. C’est pas progression linéaire comme on se le fait croire trop souvent. Pas si simple. Il y a cette année où on redécouvre par la guitare avec un pote les Guns n’ Roses, et on alterne avec Miossec, Tracy Chapman et je ne sais plus qui. Année aussi où j’ai l’harmonica pour Dylan et quelques fois Django à s’esquinter les doigts. Dans l’atelier tournent Mano, Les premiers Têtes raides, Paris Combo…
Goldman, il a tellement teinté depuis les coulisses la variété française qu’on oublie un peu ce qu’il a dans les tripes. Pourtant, malgré le fait que ça ait été lissé par les ondes, les questions qui émergent tout au long de sa discographie sont extrêmement variées et essentielles. La question de la culpabilité, des origines, la mémoire, à travers des chansons comme Comme toi ou si j’étais né en 17. Sans doute un des plus philosophes. Et puis derrières les balades faciles on oublie quelques titres plus obscurs assez expérimentaux (peur de rien blues) et des albums très orchestrés, Rouge pour exemple.
C’est assez souvent le cas au fond, de Brassens on chante en riant le Gorille, le Pornographe, Fernande, Les Cons mais au détours d’un album on tombe sur la Marine, le père Noël et la petite fille, la princesse et le croque notes, les passantes, ou l’ultime Supplique pour être enterré à la plage de Sète. Le clown est profond, viscéralement du côté des gens plutôt que des idées (mourir pour des idées), les copains, celles qui cristallisent l’hypocrisie de la société bourgeoise (les filles de joie). Malgré le côté saltimbanque et chansons paillardes, quelque chose de l’humanisme de Camus (je pense à son “entre la justice et ma mere, je choisis ma mere).
Du coup Renaud pas loin (et quand lui-même chante Brassens) et LeForestier, découvert dans les vinyles familiaux à côté de Cat Stevens, les Pink Floyd et Dylan. La maison bleue qui cristallise cette utopie des communautés de musique et cheveux longs, Un arbre dans la ville, parachutiste, le frère. Est-ce que par eux on ne cherchait pas le visage de l’époque d’avant, de laquelle on savait être quelque part issus ?
C’est hasard de n’avoir jamais vraiment écouté Brel ou Ferré ou très occasionnellement. L’affiche est restée incomplète. Comme de Baschung, de Noir Désir abordés sur le tard ou toujours resté en lisière (mais présence constante depuis 666 667 club), période où depuis Rock et Blues, Dire Straits puis Jazz via Django, j’allais explorer ailleurs côté Coltrane, BB King, Patricia Barber. Ou bien c’était par périodes brèves, attentif au monde un peu fou de Thomas Fersen, les arrangements typées 80’ de Laurent Voulzy, un moment, autre filiation, Mano Solo l’écorché, Dominique A (son duo avec Daho : En surface). Revenir sur quelques titres de Nougaro, l’écran noir de mes nuits blanches…
Est-ce que j’écouterais encore de la chanson à cette époque, excepté les Têtes raides et Miossec, accordé plus spécialement aux moments de blues ou vagues déprimes ? Grand pouvoir de dérive aussi, le Pégase de Fersen. Et que le spectre soit élargi n’empêche pas d’aller voir régulièrement ce qui se fait dans sa propre langue, tout aussi bien du côté confidentiel des Elles, que d’un petit bout de femme accroché fièrement à sa guitare comme Pauline Croze, l’électro rock d’Ariane Moffatt, Camille et ses folies vocales, les ballades de Rafael et dans sa simplicité populaire des trucs essentiels dans notre rapport à la route et à la ville, sa chanson pour Patrick Dewaere, ou ce titre qu’on voudrait pour soi qui dresse son album live :Résistance à la nuit.
Une période devaient sortir plein de choses, ce pianiste à la voix tordue, Vincent Delerm, qui chante les réunions de famille, l’ennui, un bouquin étudié pour le bac, un film, les filles de 73 et comment son deuxième album joue de cet imaginaire cinéma, nostalgie trentenaire et banlieue jusque dans son clin d’œil à Godard via la scène d’ouverture du Mépris. Plus internationale mais textes et musique ciselés, grands espaces, Keren Ann. Mélancolie et arrangements de cordes chez Benjamin Biolay dans lesquels je me laisserais envelopper certains trajets voiture.
Ça fait pas bien sérieux d’avouer un goût pour la chanson, c’est discriminant. Tout de suite on vous perçoit étroit, un peu bête ou naïf quand bien même tout le monde porte comme ça en accompagnement de certaines périodes de sa vie, de certains moments des morceaux un peu bêtes. Même si il y a des mots qui dits comme ça, au détour d’une histoire, épousent un mouvement intérieur et de lui donner écho, l’amplifient dans sa résonance. Parfois dans la tête, Tout l’amour que j’ai pour toi. On le dirait ça par exemple que parfois on se fredonne Dario Moreno, ou la rue Madureira de Nino Ferrer ?
Et pourquoi dernièrement encore me trouver à retourner en boucle Carrousel de Peter Peter ou St Claude de Christine and the Queens comme il y a quelque temps je tournais France Culture d’Arnaud Freurant Didier, comme je m’étais laissé emporter par le Affection de Plastic Bertrand, Rue des Accacias de Marc Lavoine ? Un mouvement souvent qui dans sa litanie s’accorde à son roulement intérieur. Dernièrement encore, grande claque à écouter Fauve.

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