Mac, 2eme étage.

On prend par l’ascenseur ou par les escaliers, c’est selon. Une fois je suis arrivé au deuxième étage en débutant par l’installation vidéo d’Ann Lislegaard (1962) : Dans une salle sombre sont projetées trois vidéos montrant dans un cadrage serré des avatars numériques de chouettes déclamant comme des oracles des séquences incompréhensibles et mystérieuses, parfois de concert, parfois une après l’autre. Il est fait référence à la présence récurrente de l’animal dans le film de Ridley Scott, Blad Runner dont je n’ai que de très vagues souvenirs. Sagesse ou ironie, cela restera assez obscur pour moi.
Pas tant que le film de James Richards (1983) à la structure composite, fait comme de motifs parfois quasi abstraits et que j’ai, je l’avoue, rapidement quitté pour passer sous les énigmatiques banderoles sérigraphiées de Gerry Biby (1977).
Dans cette progression, l’œuvre de Matthew Barney (1967) apparaît dans toutes ses séductions : ses matières évoquant le plastique et la paraffine ont une sensualité froide qui en est presque devenue sa marque de fabrique. Glissé comme à travers une masse fluide et blanche qui évoque la graisse, un totem allongé façonné par une étrange fusion sur lequel sont agglomérés des quantités de résidus de crevettes se laisse identifier comme le contenu stomacal d’une baleine hissé par le filin d’un baleinier ou autre chalutier. Les matériaux se mêlent dans un mouvement à la fois violent et sensuel. Un des films de la série Drawing Restraint est présenté déclinant dans une série de scènes chorégraphiques autant qu’énigmatiques d’étranges rituels réalisés avec lenteur par Matthew Barney et Bjork à bord de ce bateau. On y retrouve cette esthétique clinique proche de Stanley Kubrick, un travail du détail et une inventivité des formes croisant science-fiction et grand mythes ancestraux. Seul le contenu des deux vitrines présentant les images de références ayant servi à l’élaboration de ce récit composite s’avère un peu pauvre.
Poursuivant, je me suis retrouvé pris à parti par deux visiteurs incrédules devant l’installation de Jason Dodge (1969) présentant dans une pièce vide cinq ou six coussins posés au sol. Il est vrai que le geste avait tout de minimal et il se serait suffit qu’un galeriste annonçant une somme exorbitante d’un ton sérieux et entendu pour que mes visiteurs éclatent franchement de rire. La chose me paressant assez photogénique, j’en tirais deux photos sans toutefois avoir bien saisi quel procédé narratif extraordinaire était à l’œuvre dans ces trois œuvres respectivement titrées « les docteurs dorment », « les enfants dorment » et « le fabricant de couteaux dort », sinon qu’effectivement il suffit de peu pour que nous nous laissions aller à imaginer une histoire : notre besoin de narration est impossible à rassasier, pourrait-on dire.
Dans la salle suivante, Dineo Seshee Bopape (1981) présentait une installation à peine moins sommaire, de ce genre que l’on a beaucoup vu ces dernières années déployant dans des enchevêtrements bricolés de ces sortes de temples ruinés comme on en voit à certains sommets dans les Andes, mêlant ossements, ficelles épuisées, tissus délavés et déchirés par le vent dans lesquels s’accrochent des touffes de poils et autres détritus. Cette idée de rituels n’est pas étrangère en fait à ces choses brûlant dont témoignent plusieurs écrans à l’intérieur de l’installation et dont il nous semble pouvoir reconnaître la silhouette en abîme. Deux rétroviseurs fixés à un des montants de la structure semblent alors devoir nous indiquer cet étrange revers du temps : cet équilibre précaire nous raconte le jour où il a brûlé, un peu comme l’enterrement du comte d’Orgaz de Greco nous laisse voir dans l’image, en miniature sur les habits, le temps antérieur de sa mort.
La salle suivante est tapissée d’icones de presse, images people ou politiques constituant notre culture artistique commune. Gustavo Speridiao (1978) y a griffonné quelques inscriptions parfois drôles, parfois potaches, quelques détournements légers jouant d’analogies formelles ou de clin d’oeil. On ne peut s’empêcher d’y voir un peu un jeu culturel convenu européaro-centré et quelque fois douteux quand il s’agit par exemple d’inscrire en dessous de la photographie d’une vieille toxicomane, mégot à la main « Chet Backer » du fait de l’analogie de composition avec celle d’une célèbre pochette d’album. Comme souvent, il est difficile de savoir si ce que l’artiste propose n’est que ce nous voyons ou s’il faut imaginer derrière ce geste un peu simple et naïf une conscience critique retournée sur lui-même et le dénonçant comme jeu fermé de références faciles, ce à quoi peut parfois ressembler le monde de l’art.
Les deux salles consacrées au travail de Yang Fudong (1971) jouent du mélange et de l’ambiguïté qui s’en suit entre la réalité et la fiction dans la vie d’une actrice. Scènes de vies et moments documentaires la montrant au travail sont montés afin de brouiller les frontières et proposent un objet vertigineux dont le principe n’est pas sans évoquer Don Quichotte dont nous ne savons jamais vraiment de quel côté du livre il se trouve.
Sans doute, il reste assez difficile de déterminer dans le travail de Bjarne Melgaard (1967) présenté dans la salle suivante la part de fiction et la part d’autobiographie. L’environnement qu’il propose est composé de maquettes mises en scènes au milieu de tas de vêtements sur lesquels le visiteur est amené à marcher, de mannequins plus ou moins sordides et d’un film d’animation assez violent évoquant des scènes sadomasochistes homosexuelles qui seraient des souvenirs de l’artiste. L’œuvre peut se donner à voir soit comme une catharsis soit comme un étalage un peu provocateur et complaisant de fantasmes glauques.
Le contraste est assez saisissant entre l’accumulation de détails et la violence de cette installation et les formes ondulantes et simples, colorées du travail de Matthew Ronay (1976). Il est question de sexe également ici, mais sous une forme souple, entre l’esthétique populaire primitive et les associations expérimentées par le surréalisme. S’invite sournoisement en tête la figure d’Hundertwasser, son écologisme décroissant et son imaginaire métaphysique porté par les cycles de la nature.

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