2012 – L’inquiétude, par Lydia Harambourg in La gazette Drouot.

Ce nouveau chapitre de la peinture de Jérémy Liron s’inscrit en toute logique dans un parcours rigoureux dont l’exposition à l’hôtel des Arts de Toulon avait rendu compte en 2011. Ses peintures récentes reprennent le thème de l’architecture qui le fascine, avec cette fois a villa Noailles de Mallet-Stevens à Hyères, pour modèle et qu’il a photographié de l’intérieur. Jérémy aime les architectures de béton, aux grands murs aveugles qui dévient la lecture. Les volumes sont parfaitement écrits et développent une suite de structures creusant l’espace à partir de plans successifs dans une atmosphère transparente. La lumière cerne la réalité mue en énigme. Cette narration est pour l’artiste une « station dressée dans l’espace » arrêtée dans le paysage et qui lui confère une vision particulière. La verticalité de la composition et sa clarté contrastent avec les coulures perceptibles à la lisière du tableau. Sur certaines toiles, leur lecture bute sur des triangles blancs en apesanteur, renforçant l’étrangeté d’une scène dénuée de toute présence humaine. Désertées, ces architectures inversent la dialectique du dehors et du dedans, di visible et de l’invisible achoppant sur l’oubli. La maison s’ouvre sur le monde et garde les secrets de la mémoire. Est-ce la maison où, comme l’écrivait Bachelard, nos souvenirs sont logés ? L’une des œuvres majeures de l’exposition est un monumental polyptique composé de six panneaux carrés, Paysage n110. Pensée comme une « fenêtre ouverte sur le monde », la composition est prise de l’intérieur, à travers une baie vitrée ouvrant sur une géométrie complexe fractionnée par des pans d’ombre. Ailleurs, des troncs d’arbre barrent l’architecture, éloignant celle-ci pour mieux l’imposer à notre rêverie. Nos certitudes sont ébranlées et un sentiment de solitude s’impose à nous face à ces fragments d’images. Si Jérémy Liron résout brillamment les problèmes posés par le simulacre d’un espace virtuel, il donne une dimension mystérieuse à ses « images inquiètes ».