2012 – Paysage 89, par Joachim Séné d’après Paysage n°89.

Les fenêtres, il y en a. Et puis après, ou plus loin, ou à force, enfin, il n’ y en a plus. Ce n’ est pas la fenêtre qui fait sens mais le trait, la couleur : alors le mur est aplat ou le mur est marqué, ou le mur est strié – c’ est comme l’ arbre, d’ abord sans tronc, il devient buisson posé sur un préau à toit d’ étanchéité végétale. Le préau est tenu par des piliers couleur du grillage (blanc) d’ enceinte et ses boucles sur lesquelles l’ esprit peut facilement ajouter des pointes de barbelé. À y regarder de plus près, le feuillage est aussi sous le préau, ce qui signifie que l’arbre est derrière : sur la toile l’ espace s’ aplatit en surface, ce n’ est que ça la peinture : faite de pièges qui peuvent être des issues. Il faut se coller à la toile, coller l’œil, regarder plus près toujours, et les boucles du grillage ne sont pas des barbelés bien sûr car nous avons immédiatement assimilé l’ ensemble à, disons une école – et s’ il y avait eu réellement (peut-on dire réellement ?) des barbelés, l’ esprit aurait, pour ce bâtiment, ou tout au moins pour ce tableau, naturellement glissé, comme l’ eau sur la pluie douce d’ un trottoir lisse, et adopté la nouvelle dénomination de prison – et ces boucles sont aussi mal fermées, ouvertes en somme. Et puis à être de la même couleur, piliers et grillage se confondent, le grillage se retire du premier plan, nous permettant d’ avancer ; déjà qu’ il est fixé – non, pas fixé, posé – sur un aplat entièrement gris, libre de traces, d’ ombres, de relief, c’ est à dire pas un mur, une zone libre pour le regard, autant dire qu’ il n’ est pas fixé, qu’ il n’ était pas fixé au premier regard, et qu’ il l’ est encore moins maintenant, pas vraiment mais l’ avoir compris libère encore quelque chose, en nous, que nous projetons immédiatement sur le tableau – sur la peinture, que ces zones grises sont, à tout prendre, au moins ça : un signe représentant le monde, sans plus, mais pas moins non plus.

Tout à gauche le mur est ouvert, à peine, on imagine la grille hors-champ, ouverte, laissant un interstice où se faufiler mais c’est à se demander où, vu le gris plus sombre qui n’ est pas le même que la cour derrière le grillage, est-ce la même cour ? Est-ce le même tableau ? Où se promener, ici ?

Et dans l’architecture des plans – préau, arbre, autre préau, fenêtres au fond d’ une supposée cour – quelque chose d’ impossible dans l’ espace : quel bâtiment troué ? École, on y a pensé. Mais que de murs, que de traits et si peu de fenêtres. Parquer les connaissances. N’ y rien laisser entrer. Parquer les rêves. N’ y rien laisser voler. Que les trous de mémoire. Parquer les couleurs, elles tentent de fuir par des coulées lavées. Parquer les angles, ils gonflent d’ autres arrondis.

Façade, décor, règles géométriques de l’ espace inopérantes, espace lui-même absent, suggéré mais comme le rêve suggère, pourtant tout tient debout, mais comment se hisser hors des dimensions connues pour voir ce qui est caché ?