Ni bleu toscan qui aspire irrésistiblement anges et saints dans le giron de dieu. Ni rouge de cinabre qui enivre les jeunes initiés des rites dionysiaques. C’est un vert d’une teinte de cuivre oxydée, un peu plus foncé sans doute, et appliqué sur le papier en rectangle plein. Un vert qui fait cadre fond tableau, en même temps qu’il recouvre visages et corps inertes. Délimite les traces d’un désastre dont on ne sait s’il a été pluie de cendres ou montée des eaux et qui semble avoir figé la vie dans un dernier éclat. Mais si l’on scrute d’un peu plus près ces formes baignées par cette sève trouble, on n’y trouvera que fragments de statue et masques de plâtre. C’est donc un vert trompeur, à la fois vénéneux et vivace, mais auquel il serait vain de prêter plus de pouvoir qu’il n’a. Retenir un passé qui irrémédiablement a fui, remplir le ciel d’une présence, porter l’âme au délire : les couleurs — pas plus ici ce vert qu’ailleurs le bleu toscan ou le rouge de cinabre — ne peuvent tenter de donner à voir les folles aspirations de l’homme sans rendre plus visible encore les échecs qui en résultent. En revanche, elles constituent un lieu possible pour faire apparaître et se déployer d’indicibles métamorphoses. C’est ce que l’on cherchera dans la contemplation de ces nus alanguis ou prostrés, de ces morts aux yeux clos, au visage émacié, de ces silhouettes hiératiques : la persistance de mystères qui ne se dévoileront jamais tout à fait.