2016 – Jeremy Liron, architecte des sensations, par Léo Bataille
in Exit, Sortir à Lyon n°37, fevr. 2016

Portrait d’un peintre contemporain qui vit à Lyon, Jérémy Liron, passionné d’architecture et d’écriture, travaillant souvent à partir de photographies. Un travail singulier, couronné par sa première exposition monographique à la fondation Bullukian.

« Comment quelque chose surgit, anime le regard ? » Telle est la question centrale du peintre lyonnais Jérémy Liron (né 1980 à Marseille). En se déplaçant en train, en voiture, ou en cheminant à pied à travers les villes « des choses le retiennent par un sentiment de présence ; ça fait image, ça se dresse dans l’espace ». Ces choses sont, depuis le début des années 2000, surtout des immeubles ou des fragments d’architecture urbaine relativement banals et sans qualité particulière ( à quelques exceptions près comme la cité radieuse du Corbusier à Marseille). Le peintre prend alors beaucoup de photographies puis, à l’atelier, le tableau se composera par metamorphoses et variations successives. Sur la toile, Jérémy Liron peut ainsi simplifier une façade, supprimer ou ajouter certains éléments, opacifier une masse arborée, réinventer des couleurs, voire ajouter des éléments picturaux « purs » : réserves, coulures, aplats… Une figure surgi dans le réel, un tableau a surgi, dans un second temps, d’un entrelacs d’expérimentations plastiques, d’émotions personnelles, de hasards, de réminiscences d’histoire de l’art (des portraits du Fayoum à Sean Scully, en passant par Rembrandt, Le Greco, Henri Cartier-Brtesson, Matisse, Fernand Léger…).

Les mots et les choses
Si les tableaux de Jérémy Liron n’ont rien de documentaire, le motif de l’architecture n’en est pas réduit pour autant à un simple prétexte. L’artiste confie son intérêt pour l’architecture moderniste qui aujourd’hui décriée, relève quasiment pour lui d’un sentiment de mélancolie. Chaque bâtiment retenu est aussi la métonymie d’un certain monde urbain actuel et le reflet d’un état d’esprit et du corps de l’artiste. « L’architecture, ajoute-t-il encore, c’est aussi ce qui reste, ce qui persiste à travers le temps. » Ce qui résiste au temps, ce sont aussi les livres et parallèlement à son travail de peintre, Jérémy Liron écrit beaucoup :un blog sur des expositions vues ici ou là, des essais théoriques, des romans… A l’occasion de sa formation aux Beaux-Arts de Paris, il s’est rapproché des écrivains Pierre Bergounioux et François Bon avec qui il a amorcé des aventures éditoriales. Jérémy Liron avance ainsi sur deux voies parallèles, celle des mots et celle des images, « l’une palliant les angles morts de l’autre », selon l’artiste. A la fondation Bullukian, il présentera sa première exposition personnelle à Lyon, et dévoilera son intérêt récent pour la sculpture en lien avec l’architecture.