« Le sujet principal de mes peintures, c’est le regard. » Par les temps qui courent, par Mathilde Wagman, France Culture, 9 juin 2023.

La peinture de Jérémy Liron est presque entièrement centrée sur le paysage. A partir d’une documentation photographique, le peintre détruit puis recrée le paysage par la peinture, ce paysage réel qui a déjà été mis à distance par la photographie. Ses tableaux sont pareils à des arrêts sur image, fragments d’un réel transformé, improbable et pourtant familier.

Jérémy Liron vous êtes peintre et vous exposez ces jours-ci une série de tableaux à la galerie Isabelle Gounod à Paris.
Si l’on essayait de décrire l’émotion qu’ils suscitent, on pourrait dire qu’il y a d’abord comme une sensation très forte de l’été. L’odeur du maquis, l’aveuglante lumière d’un soleil qui percute un mur blanc, les arbres et les cactus aux verts chatoyants, dont les masses contrastent avec l’architecture moderne de belvédères aux lignes droites. Ici, la grande terrasse angulaire d’une bâtisse dont l’un des murs se détache dans l’ombre sur la droite du tableau, là le regard d’un balcon et notre regard aimanté par une trouée de mer au second plan.
Plus loin encore, cet immense mur d’un bleu éclatant sur lequel vient se porter l’ombre noire d’un feuillage. Mais à trop vouloir décrire vos tableaux, on risquerait, piège bien connu, de les réduire à ce qu’ils représentent. Hors l’émotion qu’ils suscitent nait tout autant de leur matière, des rapports de contrastes, des traits de pinceaux, des aplats, ou encore du jeu sur les formats, petits ou grands. En somme, de la grammaire spécifique et singulière de votre art.

Cette exposition elle a un titre, qui est une citation d’André Breton. Je cite, donc : « Et c’est assez pour l’instant qu’une si jolie ombre danse au bord de la fenêtre… » Citation suffisamment singulière, évocatrice, pour que je ne résiste pas au plaisir de vous demander ce qu’elle évoque pour vous. Pourquoi vous l’avez choisie pour cette exposition-là ?

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