Regarder l’image qui regarde, par Éric Barbier in revue Diérèse, automne 2023.
Jérémy Liron, peintre, auteur, enseigne ici une histoire du regard, une image de l’histoire, image qui ne pourrait rester neutre ou innocente, dans ce calme où nait ce que l’on choisit de voir, quiétude où « s’entend encore quelque chose de l’espace et du temps ». L’essai s’expose dans une prose que les vers dérangent.
Que voit-on sur une photographie témoignant d’un passé, cette image venue d’avant ? « ou la matière du temps lui-même que la photographie révèle », cette matière que le présent constitue si difficilement, comme une hypothèse peu partagée. Un témoignage ? « S’approcher de celle qui a vu », de Marie-Madeleine, par un lieu photographié dans un autre siècle, à la naissance de l’image, sinon, pour ce qui ne pourra que rester incomplet. « Toute image nomme une distance ». Regarder, nommer, croire ainsi désigner, exister, mais qui être lorsqu’on est soi-même l’objet du regard ? Nomination : un privilège qu’ignorent ceux (et ce qui) sans répit échappent à l’image, n’en restent prisonniers. « Y a-t-il dans le geste du regard l’idée qu’il n’y a d’alternative que tuer ou être tué ? ».
« Il faut que le regard se charge de ce qu’il ne pourrait dire », celui qui porte le regard ne sait pas encore ce qu’il recherchait, ni ce qu’il découvre, dépourvu des secours de ce qui pourrait fixer une vérité, pour compléter « le récit qui nous tient lieu de mémoire ».
« Car l’image saisit un geste ». Et la réflexion, ainsi ouverte aux dimensions du poème, de cet immobile retrouve le mouvement, en des temps qui se succèdent.