Il y a…, note de lecture par Sabine Huynh, in Terre à ciel, juillet 2019.
Sereine Berlottier (textes) & Jeremy Liron (peintures), HABITER, traces & trajets, Les Inaperçus, 2019.
Il y a… le texte de Sereine Berlottier, bâti sur des souvenirs ténus, de tout ce qu’il y avait, autour de cette maison « sans voisins, sans bruits, sans chaleur », maison endormie depuis cent ans. Il y a des arbres, des fleurs, de la neige, des ombres, des tombes, des reflets, des visages perdus, « une forme [qui] rêve sous une couverture », peut-être de maisons. Il y a tout ce qui divise. Il y a deux petites filles. L’enfance a-t-elle vraiment eu lieu, entre plaisir et réalité ? Il y a leurs histoires, et les contes, ceux d’où nous venons, et les fantômes qui ont vécu là, et des menaces qui continuent à sourdre – n’y a-t-il pas eu cette annonce ? Il y a ces choses, on tourne autour, il y a la mer, on va vers elle, il y a toujours la maison, qui se déplace et tourne, entraînant ce qu’elle contenait : poussière, mystère, vide. Il y a notre ami écrivain mort après avoir envoyé « les bruits de la nuit ». Il y a Perec aussi, bien sûr, toujours, sans épuisement aucun, et Virginia Woolf, Bachelard et d’autres, Thoreau, Césaire, Kafka… Enfin, « éclairant » le texte, il y a ce jaune-vert-lichen lumineux des maisons peintes par Jeremy Liron, qui donnent l’impression d’être sous-marines, de couler, de lutter contre l’ombre qui cherche à les gagner. Où vivre, où écrire ? De quoi sont faits nos rêves, nos maisons, nos rêves de maison et d’écriture ? Pourquoi habiter ? Quelles traces laissera-t-on ? Demande ce livre grave et profond.
« près de cette maison
des arbres poussent seuls
dans leur absence de nom
des choses tombent
et même de petits animaux mourrissants
parfois un bassin étroit
où regarder
des corps
les tiges lourdes d’intentions
que le paysage suppose »