2018 – Fenêtres sur Jacques Truphémus et Jérémy Liron, par François Riche in Le nouveau avril 2018.
» les silences de la peinture » est la nouvelle exposition du musée Paul Dini présentée dans son bâtiment annexe à l’Espace Cornil, avec une sélection de plusieurs œuvres de feu Jacques Truphémus et du prometteur Jérémy Liron, deux artistes lyonnais confrontés en ce lieu autour du thème de la perception de l’espace dans la peinture.
Jacques Truphémus (1922-2017) est un artiste important dans la collection du musée Paul Dini et Jérémy Liron (né en 1980) fait son retour après un précédent accrochage en ces lieux, pour l’exposition collective » Passages » en 2014. C’est à cette époque et précisément à cette occasion que les deux peintres ont beaucoup échangé sur la question de la fenêtre et de l’ouverture, ces deux générations trouvant là un réel point commun sur la manière dont ils croisaient leur espace. Jérémy Liron pose la question de la succession des plans par rapport au rebord de la fenêtre, avec une touche personnelle supplémentaire intrigante qu’est la présence d’un plexiglass devant certaines toiles, subtilité également utilisée par Jacques Truphémus, pour renforcer la réalité d’une vision de l’œuvre à travers une fenêtre. Ce que Truphémus qualifiait de peinture du silence a tout naturellement aboutit au titre de cette exposition baptisée » Les silences de la peinture’. L’un de ces silences renvoie également à une autre exposition » Les Cafés Lyonnais » de Jacques Truphémus qui se tient actuellement au musée des Beaux-Arts de Lyon, où le visiteur a le sentiment que les personnages murmurent dans les tableaux, sans pour autant les entendre.
Chez Jérémy Liron, cette présence est suggérée dans ses paysages dénués de personnages, à travers le bâti, l’architecture, l’artificiel. Ses tableaux ne racontent pas une histoire, quoiqu’une fenêtre ouverte ou un cadre de fenêtre parfois représenté pouvant se prêter à lire une histoire… La peinture de Jérémy Liron reste avant tout contemplative, avec l’espace, l’étendue, le temps qui en découle. Le propos de Jérémy Liron est de travailler dans la série, avec un nombre important de paysages présentés à l’occasion de cette exposition, une série qui s’inscrit dans une réflexion qui a commencé en 2004, avec ces grands formats présentant des vues péri-urbaines, urbaines et des côtes varoises et corse.
Son inspiration semble être marquée par les photographies anciennes de la fin du 19e et début du 20e siècle, où les temps de pause étant tellement longs que les passants étaient réduits à des silhouettes fugitives, sinon effacés de l’espace, de sorte que le fond du décor se livrait comme le sujet principal. Jérémy Liron, qui souscrit au qualificatif de la peinture silencieuse employée par Jacques Truphémus, définit même la peinture comme étant une parenthèse, qui engage un rapport particulier au temps, un recueillement, une séparation avec l’activité quotidienne. Cette exposition nous présente deux univers différents, où se mêle la préoccupation des artistes d’un point de vue technique dans le travail de la lumière et des couleurs, et notamment comment des surfaces qui paraissent étales s’animent de manière très discrètes, si l’on prend le temps de s’y attarder ?
» Le tableau : non pas une fenêtre, mais plutôt le lieu où se projette le monde. (…) A la fois image et mur auquel butte l’image. Et moi je voudrais arriver à ça : que ça ouvre sur un monde, un espace depuis lequel se pense le réel, et que ce soit ce mur, auquel toujours on butte. A la fois fenêtre et mur, c’est peut-être la définition de l’image ? « . JL