La beauté du monde, par Armelle Fémelat in La Gazette Drouot, avril 2023.

Rebonds formels, connexions de sens et affinités électives entre artistes ont présidé au dialogue d’œuvres contemporaines de deux institutions aurhalpines. Une odyssée sensible sur la magie de l’art et son rapport à l’univers.

Qu’est-ce qui nous touche dans une œuvre d’art ? Telle est la question posée par l’exposition du musée Paul Dini présentée en collaboration avec le FRAC Auvergne. Les deux institutions partageant « une vision commune de la peinture et de l’importance de celle-ci dans la création contemporaine », souligne Jean-Charles Vergne. Le directeur du fonds régional explique que l’accrochage a été pensé « comme un enfant construit une cabane au fond du jardin ou dans les bois », avec une dimension ludique assumée et sur le principe de la comptine « Trois p’tits chats » (« Chapeau d’paille, paillasson »…).
Calembours, jeux d’esprits et cadavres exquis visuels nous invitent à pénétrer le merveilleux de l’art sous les auspices de l’anagramme « image-magie ». « La rencontre avec une œuvre peut être bouleversante, confie Jean-Charles Vergne. On peut ne pas s’en remettre et ne plus pouvoir regarder le monde comme avant. Être touché est un mot important car lorsque l’œuvre me touche, qu’elle me point, qu’elle m’émeut, déplace en moi les réglages fins de ma perception et de mes sensations, s’interpose comme un nouveau filtre entre le monde et ce que je suis ». Avec Laure Forlay, responsable du service des publics du FRAC et Sylvie Carlier, l’ancienne directrice du musée – partie depuis au musée Marmottan Monet – , il sont souhaité exprimer leur relation sensible à l’art en sélectionnant une soixantaine de peintures, sculptures, dessins, gravures et photographies. « Les œuvres s’enchainent par rebond de formes, par connexion de sens ou parce que les artistes sont présents dans les deux collections », précise encore le directeur.
La proposition débute avec les têtes d’enfants peintes par Claire Tabouret et James Rielly, voisinant avec le Jeune garçon de Martial Raysse, mis en regard de quatre silhouettes silencieuses sur fond bleu de Djamel Tatah. Suit une réflexion sur la représentation et la perception avec les œuvres de Franck Chalendard, de Rémy Hysbergue et de Bernard Piffaretti, s’ouvrant sur une série de paysages. Ceux abstraits de Claire Chesnier et figuratifs de Jérémy Liron et Jean-Charles Eustache – ayant le sentiment d’appartenir à « une même famille sensible et intellectuelle au-delà des liens de formes et de sens. » – dialoguent avec pertinence. De part et d’autre se trouvent une fenêtre ouverte par Jacques Truphémus, une photo de mars de la Nasa et les huiles abstraites hautes en pâte et en couleur de Denis Laget, André Cottavoz et MarionBreedveld. Enfin, les constructions géométriques et colorées de David Wolle et Maude Maris entrent en collision avec les personnages chimériques de Michel Gouéry et Daniel Firman.
La deuxième partie du parcours interroge le rapport entretenu par l’art avec la réalité. L’évocation d’éléments naturels par Rémy Jacquier, Anne-Marie Filaire et Carole Benzaken, les oiseaux de Jean-Luc Mylayne, Sylvain Roche et Ernst Kapatz, font face aux réactions de Christiane Baumgartner, Eric Manigaud, Dove Allouche et Daren Allmond vis-à-vis d’événements tragiques du XXe siècle. Empreinte de gravité, cette odyssée onirique et sensible se clôt sur une méditation sur la nature, les propositions de Marc Desgrandchamps, Anne-Marie Filaire, Delphine Gigout-Martin et Eric Roux-Fontainesur ses mutations à l’ère de l’anthropocène attestent la fragilité du monde.